Chaque ville a son agora, le lieu où bat le cœur de sa population. Pour les Marrakchis, pour les Marocains et pour le monde entier, Jemaa El Fna incarne l’identité de Marrakech.
La place Jemaa El Fna est sans aucun doute le symbole international de Marrakech et plus largement, du Maroc. Mais derrière cette figure de carte postale où se croisent des millions de touristes chaque année, où bruisse de jour comme de nuit une foule bigarrée, il y a cette magie propre à Marrakech, ce carrefour où se rencontre le monde, cet endroit où l’humanité nomade prend le temps de stopper sa course effrénée pour partager un moment, pour remplir sa besace ou en vendre le contenu…
Le musée vivant du patrimoine oral du Maroc
C’est carrefour, un lieu de brassage, un espace où les ethnies, les classes sociales et les générations se côtoient et échangent. Depuis les conteurs jusqu’aux musiciens et les danseurs en transe, en passant par les charmeurs de serpents, les dresseurs de singes, les herboristes, les prêcheurs, les voyants, les acrobates, les prestidigitateurs, les guérisseurs, la place est la fontaine perpétuelle des arts du langage à tel point qu’en 2001, l’UNESCO décidait d’inscrire Jemaa El Fna au patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Le plus ancien témoignage la concernant date de 1573. Nous le devons à Luis del Mármol Carvajal un explorateur espagnol qui décrit une ruche bourdonnante de vie : “une grande place, au milieu de laquelle il y a une butte de terre plus haute que les boutiques et les maisons d’alentour, où l’on exécute les malfaiteurs”. La place des trépassés, telle est la traduction littérale de la place Jemaa El Fna, même si d’autres hypothèses de traduction viennent rajouter au mystère du lieu.
L’aventurier poursuit son récit : “il y a plusieurs boutiques en cette place, des serruriers, des cordonniers, des charpentiers et toutes sortes de gens qui vendent des choses bonnes à manger. L’un des côtés est le lieu où l’on vend de la soie et des étoffes de lin, de coton et de laine fine. C’est le lieu de la douane où se tiennent les marchands chrétiens d’Europe avec leurs marchandises et où se fait le plus grand trafic de la ville”.
Un demi-siècle plus tard, un autre espagnol de passage décrira la place comme un « maremagnum d’odeurs, de sensations, d’images, d’infinies vibrations, une cour splendide au royaume des charlatans et des fous ».
Un voyageur français en fera ainsi le portrait : « la place de l’imprévisible, de l’éphémère, du délire collectif et de la création spontanée ».